Publié le 24 avril 2025 - Actualité politique

La censure est-elle de retour à l’Assemblée nationale ?

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Tout commence par une interview d'Éric Lombard, ministre de l'Économie et des Finances, sur BFMTV le 13 avril 2025. Bien que le budget pour 2026 soit encore en cours d'élaboration, il annonce déjà 40 milliards d'euros d'économies.

Cette déclaration n'a pas tardé à faire réagir : de la gauche à l'extrême droite, en passant par la droite, l'ensemble de l'opposition s'est emparé du sujet, faisant planer la menace d'une nouvelle censure contre le gouvernement Bayrou.

Le précédent Barnier encore dans toutes les têtes

Le spectre du 4 décembre 2024 ressurgit. Ce jour-là, le gouvernement de Michel Barnier est renversé après avoir utilisé l'article 49.3 pour faire passer le budget de la Sécurité sociale. La motion de censure, portée par les groupes politiques de gauche, est adoptée.

Depuis, le mot "censure" est sur toutes les lèvres. Peu de temps après l'intervention du ministre de l'Économie, le député Manuel Bompard (LFI) annonçait dans une interview à BFMTV "être prêt à déposer, dans les prochains jours, une nouvelle motion de censure".

Censure impossible sans le soutien des socialistes

Bompard conditionne le dépôt d’une nouvelle motion à l'unité de la gauche. Le député insoumis ne souhaite pas revivre l'échec du 14 janvier 2025, lorsque les socialistes avaient refusé de se joindre à la motion de censure déposée par le groupe LFI contre le Premier ministre François Bayrou.

Et pour cause : il faut 289 voix pour renverser un gouvernement à l'Assemblée nationale. Et sans les voix des socialistes, l'alliance LFI-écologistes-communistes reste insuffisante. Même en comptant sur le soutien du Rassemblement national, autre groupe d'opposition, il manquerait encore 24 voix.

L’enjeu du 49.2 : la motion "spontanée"

Manuel Bompard a aussi évoqué un recours à l’article 49.2 de la Constitution : la motion de censure “spontanée”. Cette procédure permet à l’opposition de mettre en cause la responsabilité du gouvernement sans attendre le déclenchement d'un 49.3.

Mais cette arme constitutionnelle est limitée. Pour être déposée, une motion spontanée doit être signée par au moins 10% des députés, et chaque parlementaire ne peut en signer que trois par session parlementaire (d'octobre à juin).

Autant dire que chaque motion est précieuse. Depuis octobre 2024, les députés LFI et le PS ont déjà utilisé deux de leurs trois possibilités. Il ne leur reste donc qu'une seule cartouche à tirer avant l'été pour tenter de faire tomber le gouvernement Bayrou. "Il faut signer les motions spontanées au bon moment, sinon on gaspille toutes les cartouches", a averti Manuel Bompard dans une interview accordée à Mediapart.

Un nouveau 49.3 à l’automne ?

Pour l'insoumis Éric Coquerel, président de la commission des finances, l'agenda est clair : si le gouvernement engage à nouveau le 49.3 sur le budget 2026 à l'automne, une nouvelle motion de censure sera déposée.

Et l'hypothèse semble plus que probable : le gouvernement, malgré l'alliance entre les macronistes et Les Républicains, ne dispose que d'une majorité relative à l'Assemblée nationale (37%). Dans ces conditions, l'exécutif pourrait être tenté, une fois encore, de passer en force lors des débats budgétaires. Un scénario qui rappelle la chute du gouvernement Barnier.

Mais le sort d'une motion de censure dépendra de la position de deux groupes : les socialistes et le Rassemblement national (RN). Lors de la dernière tentative, sur le budget 2025, ces deux groupes ne s'étaient pas ralliés à LFI. Le congrès du Parti Socialiste, le 15 juin prochain, pourrait être décisif pour clarifier la ligne politique des socialistes vis-à-vis du gouvernement Bayrou.

Vers une nouvelle dissolution ?

Dans ce contexte, un autre scénario agite les esprits dans les couloirs de l'Assemblée nationale : celui d'une nouvelle dissolution. Lors de la dernière dissolution, au soir des élections européennes, Emmanuel Macron avait annoncé vouloir "redonner le choix de notre avenir parlementaire, par le vote", afin de "clarifier" le paysage politique. 

Un pari qui n'a pas tenu ses promesses : si trois blocs sont bien sortis des urnes (Nouveau front populaire, Renaissance et RN), aucun n'a réussi à former une majorité stable capable de structurer et clarifier le débat parlementaire.

Une nouvelle dissolution pourrait donc être justifiée par le besoin d'une nouvelle clarification. Si le chef de l'Etat a promis "aucune dissolution d'ici 2027", cette possibilité ne peut être totalement écartée. Après le coup de théâtre de 2024 et la surprise de la dissolution, plus personne n'ose prédire l'avenir du paysage politique français.

 

Crédit photo : Ugo Bronszewski