L'amendement n° 408 du Gouvernement après l'article 6 du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces (première lecture).
ADOPTÉRésultat du vote
Les députés ont adopté le 19 juin 2023 l'amendement n° 408 du Gouvernement après l'article 6 du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces (première lecture).
Au total, 82 députés ont pris part au vote : 100 % ont voté en faveur, 0 % ont voté contre, et 0 % se sont abstenus.
Infos
Date | 19 juin 2023 | |
Type de vote | Amendement | |
Dossier | Donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces |
La position des groupes











Les votes des députés et des groupes
Exposé des motifs de l'amendement
L'objectif d'un amendement est de modifier ou d'ajouter une mesure d'un projet ou d'une proposition de loi. Le ou les députés qui rédigent l'amendement écrivent également un exposé des motifs.
La production de drogues et particulièrement de drogues de synthèse (MDMA, métamphétamines, cathinones, cannabinoïdes de synthèse, opioïdes, GHB/GBL etc.) et semi-synthétiques (cocaïne et héroïne) connaît une progression exponentielle ces dernières années en France et en Europe. Ainsi en 2021, 350 laboratoires de productions de drogues de synthèse ont été démantelés en Europe.
La production de ces drogues nécessite le recours à des substances chimiques dénommées « précurseurs de drogues », produits chimiques, dont une majorité dispose d’une utilisation légale. Par conséquent, les précurseurs de drogues constituent un sujet de première importance dans la lutte contre le trafic de stupéfiants.
La réglementation relative aux précurseurs établit un double statut pour ces substances :
une trentaine de précurseurs de drogues sont « classés » : leur commerce est soumis à un ensemble de règles qui permettent de les contrôler ;
les autres précurseurs sont dits « non classés» : par conséquent aucune règle de contrôle de leurs flux n’existe.
Face à la classification d’un nombre toujours plus important de substances chimiques par la réglementation permettant leur saisie et la mise en œuvre de sanctions, les organisations criminelles font un recours accru aux précurseurs non classifiés et particulièrement aux « précurseurs sur mesure » : ces molécules échappent à la classification et, donc, aux dispositifs de contrôle.
Un récent rapport de l’Observatoire européen des drogues et toxicomanies (OEDT) et d’Europol relatif à la métamphétamine estime, ainsi, que la majorité de la métamphétamine produite au BENELUX, région majeure de production de drogue de synthèse dans le monde (un rapport de 2017 de l’académie de Police de la Haye estime le chiffre d’affaires de la production de drogues de synthèse aux Pays-Bas à 19 milliards d’euros par an), l’était à partir de précurseurs de drogues non classés.
La clause dite « attrape-tout » ou « catch all », prévue aux articles 26§3 bis et 3 ter du règlement n° 111/2005 (pour les flux extra-UE) et de l’article 10§2 du règlement n° 273/2004 (pour les flux intra-UE), constitue aujourd’hui la seule solution effective à ce phénomène des précurseurs non classifié et sur mesure. Elle permet, en effet, de saisir une substance non classifiée, dès lors qu’un faisceau d’indices permet de supposer une utilisation illicite. Ce dispositif a, par exemple, permis des saisies importantes de MAPA (pré précurseurs de l’amphétamine et de la métamphétamine), lorsque cette substance n’était pas encore classée.
Néanmoins, cette clause présente deux faiblesses majeures :
un cadre juridique incertain qui vient fragiliser sa mise en œuvre. En effet, les dispositions de l’article 10 §2 du règlement (UE) n° 273/2004 et de l’article 26 §3 du règlement n° 111/2005 ne suffisent pas, en tant que telles, à fonder un pouvoir de saisie des précurseurs non classifiés puisque ces dispositions, bien que contenues dans un règlement européen, laissent une marge d’appréciation aux Etats. Aussi est-il est nécessaire que les Etats complètent ces règlements par des dispositions législatives de droit interne ;
des effets limités à la seule interception des marchandises, aucune sanction ne pouvant être prise sur le fondement de l’article 414 du code des douanes. Par conséquent le recours à des techniques spéciales d’enquêtes (livraisons surveillées et visites domiciliaires) qui permettraient d’identifier et entraver les laboratoires de production de drogues est impossible.
Cet amendement vise à donner toute sa portée à la clause « catch all » prévue par le droit européen. Il permettra de de constater les cas de détournement de substances non classifiées et de poursuivre les personnes ayant recours à l’utilisation de précurseurs non classés aux fins de production de drogues de synthèse et de drogues semi-synthétique. Ce dispositif vise également à permettre le recours à des techniques spéciales d’enquêtes qui doivent permettre d’identifier et de démanteler des laboratoires de production de drogues de synthèse sur le territoire national, et d’intercepter les auteurs des trafics de produits chimiques approvisionnant les filières de production.
L’amendement prévoit également un cadre d’échange contradictoire formalisé avec les personnes physiques ou morales suspectées, en conformité avec les dispositions du droit européen (charte des droits fondamentaux et article 6,§1 de la Convention européenne des droits de l’Homme). Cet échange s’exprime par une déclaration d’usage qui sera demandée par les agents des douanes. Un décret viendra préciser les conditions d’établissement de cette déclaration.
Un recours contre la décision de retenue temporaire des substances non classifiées est ouvert devant le président de la chambre de l’instruction.
A l’expiration de la phase contradictoire, les agents des douanes pourront saisir les substances non classifiées en cause dans deux hypothèses :
- soit l’obligation de déclaration d’usage n’a pas été respectée ;
- soit en en cas de raisons plausibles tendant à caractériser un risque de détournement ou de fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes.
Il appartiendra alors à l’autorité judiciaire d’en prononcer la confiscation.
En définitive, s’il est établi que l'utilisation des substances chimiques non classifiées aux fins de fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes au sens de l’article L 5132-7 du code de la santé publique est établie, les peines de l'alinéa 3 de l’article 414 du code des douanes seront applicables.
Source : Amendement sur le site de l'Assemblée nationale