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LÉGISLATURE 15 - VOTE n° 1457

L'amendement de suppression n° 207 de Mme Obono à l'article 30 du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (première lecture).

REJETÉ
POUR 2
ABSTENTION 1
CONTRE 28

Résultat du vote

Les députés ont rejeté le 23 novembre 2018 l'amendement de suppression n° 207 de Mme Obono à l'article 30 du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (première lecture).

Au total, 31 députés ont pris part au vote : 90 % ont voté contre, 6 % ont voté en faveur, et 3 % se sont abstenus.

Infos

Date 23 novembre 2018
Type de vote Amendement
Dossier Loi de programmation de la justice 2018-2022

La position des groupes

POUR
Non inscrit
La France insoumise
CONTRE
Socialistes et apparentés
Les Républicains
Mouvement Démocrate et apparentés
UDI, Agir et Indépendants
La République en Marche

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Date 23 novembre 2018
Type de vote Amendement
Dossier Loi de programmation de la justice 2018-2022

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L'auteure de l'amendement

Un amendement est un texte, déposé par un ou plusieurs députés, qui vise à modifier un projet ou une proposition de loi. Il y a un auteur principal, mais un amendement peut être cosigné par plusieurs députés.

Danièle Obono

Danièle Obono

Paris (75)

Les votes des députés et des groupes

Exposé des motifs de l'amendement

L'objectif d'un amendement est de modifier ou d'ajouter une mesure d'un projet ou d'une proposition de loi. Le ou les députés qui rédigent l'amendement écrivent également un exposé des motifs.

Par cet amendement de suppression, nous souhaitons prévenir les différentes dégradations des droits des administrés et à l’indépendance de l’autorité judiciaire induite par cet article.

En effet, que ce projet de loi proposé par le Gouvernement prévoit, dans cet article :

1) que les officiers de police judiciaire (OPJ) n’auraient plus à renouveler leur habilitation et leur serment en cas de changement d’affectation (de Cour d’appel),

2) qu’il sera possible de créer des “OPJ volants” s’ils sont assistés d’un OPJ territorialement compétent si le magistrat le décide (procureur ou juge d’instruction).

=> Ce qui signifie distendre le lien organique des OPJ avec une juridiction, et le raffermir avec le ministère de la Justice et de l’Intérieur.

3) Pour les crimes et délits flagrants, et dans le cadre de l’enquête préliminaire de donner la possibilité à des agents de police judiciaire de pouvoir effectuer des actes normalement assurés par les OPJ sous le contrôle des OPJ.

=> Comme cela a été le cas lors de la loi sécurité intérieure de 2017, et la loi asile et immigration de 2018, ce sont des agents publics moins formés et avec des garanties statutaires moindres que les OPJ qui seraient chargés désormais d’effectuer certaines de leurs tâches (“sous leur contrôle” - qui pourra dans les faits ne recouper aucune réalité). Tout cela pour des considérations budgétaires et pour ne pas former et recruter des OPJ.

4) De donner la possibilité aux OPJ sans demander l’autorisation au procureur de la République requérir des informations sur une enquête auprès d’un organisme public OU si son exécution donne lieu à des frais de justice d’un montant inférieur à un seuil fixé par voie réglementaire.

=> Cette dérogation signifie que l’OPJ pourra accéder à des informations pouvant être problématiques pour l’administré.e sans aucune autorisation ou contrôle effectif d’un magistrat, et donc une dégradation des droits des administré.e.s.

Ces quatre mesures, une nouvelle fois disparates, renvoient à une même logique inacceptable : la dégradation de l’indépendance de l’autorité judiciaire et des agents sous son autorité, la diminution des garanties pour les administrés que représentent la formation et la qualité d’OPJ ainsi que le contrôle d’un magistrat sur leur activité.

En plus, La Commission des Lois (par la volonté du Gouvernement et de la majorité LREM) a en outre - élargi les pouvoirs des agents de police judiciaires, qui pourraient exercer d’autres fonctions actuellement exercées par les OPJ et les médiateurs du procureur de la République : des mesures alternatives aux poursuites prévues par l’article 41‑1 du code de procédure pénale (rappel à la loi, réparation du dommage causé par l’infraction, etc.)...

En détail :

1) et 2) Actuellement, l’habilitation de l’OPJ doit être renouvelée en cas de changement d’affectation, et celle-ci octroyée par le procureur près la Cour d’appel concernée (article 16 du code de procédure pénale) et auprès de laquelle ils prêtent serment. Les OPJ sont donc statutairement rattachés auprès d’une autorité judiciaire, ce qui est un des éléments garantissant aussi la disjonction entre les autorités judiciaire et exécutive au titre de la séparation des pouvoirs (article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789). Or, remettre en question ce cadre et en déterritorialisant et de facto distendant le lien entre les OPJ et leur juridiction de rattachement est une remise en cause matérielle de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Selon le Syndicat de la magistrature, il s’agit rien de moins que de retirer “l’une de ses principales modalités de contrôle et de surveillance de la police judiciaire”. Constat par ailleurs partagé par le rapport Beaume-Natali de 2018 dans le cadre des “Chantiers de la Justice” qui rappelait la nécessité d’une habilitation périodique des OPJ (http ://www.justice.gouv.fr/publication/chantiers_justice/Chantiers_justice_Livret_02.pdf, p 13).

Le Livret Justice de la France insoumise avait en outre bien identifié cette thématique, puisqu’il proposait le détachement d’OPJ auprès des juridictions “sur la base du volontariat pour une période de 3 ans renouvelable, afin d’éviter l’intrusion de la hiérarchie du ministère de l’intérieur au coeur des enquêtes sensibles” (p 14, https ://avenirencommun.fr/le-livret-justice/).

3) La possibilité de substituer les APJ pose un autre problème de fond.

Précisément, la qualité d’officier de police judiciaire et d’agent de police judiciaire permet justement de garantir au mieux tout le sérieux, la moralité qui est attendu d’un fonctionnaire d’État chargé de tâches aussi fondamentales des procédures qui touchent directement aux droits et libertés fondamentales des personnes.

Ainsi, la qualité d’officier de police judiciaire et la qualité d’agents de police judiciaire sont les garants du bon déroulement de la procédure pénale, eu égard notamment au fait que celle-ci peut comporter des mesures particulièrement attentatoire aux droits et libertés (par exemple atteintes à la liberté d’aller et de venir (garde à vue, …), à la vie privée et familiale (perquisitions, mise sur écoute, …), au droit à la sûreté (arrestation, détention), garantie des droits de la défense (procès-verbaux) etc). Or, les OPJ comportent bien des garanties et formations différentes des APJ (article 20 du code de procédure pénale).

Ceux-ci sont en effet les premiers garants de la procédure pénale. La capacité d’OPJ confère une compétence légale générale. Elle permet de constater tous les types d’infractions. La compétence générale des OPJ leur permet surtout d’accomplir la plénitude des actes de police judiciaire (c’est-à-dire tous ceux ayant pour objet le constat des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves, la recherche des auteurs, l’exécution des délégations des juridictions d’instruction et le déferrement à leurs réquisitions, voir notamment article 17 du code de procédure pénale). L’article 16 du code de procédure pénale (CPP) énumère ainsi la liste des OPJ qui reste particulièrement limitative.

Pour se voir attribuer la qualité d’officier de police judiciaire, les gendarmes et policiers les moins gradés doivent d’abord réussir un examen technique, puis être nommés par arrêté ministériel sur avis conforme d’une commission mixte (cette commission étant présidée par le procureur général près la Cour de cassation ou son délégué, premier avocat général ou avocat général près la Cour de cassation. Ses autres membres sont : un général de gendarmerie, un inspecteur général des armées, ou son représentant, plusieurs magistrats du ministère public et autant d’officiers supérieurs de la gendarmerie.). Dans tous les cas, l’attribution de la qualité d’OPJ ne pourra prendre effet avant que l’agent n’ait accompli quatre ans en activité de service dans la gendarmerie (Article R. 7 du CPP). Par la suite, leur habilitation est conditionnée à l’affectation de l’officier dans un emploi comportant l’exercice de sa capacité de police judiciaire (article R. 13 du CPP pour les OPJ de la gendarmerie nationale et article R. 15‑3 du CPP, pour les OPJ de la police nationale). Cette habilitation est accordée par le procureur général près la Cour d’Appel dont dépendra l’OPJ.

La liste des tâches que le Gouvernement souhaite désormais confier aux APJ (sous “contrôle” d’un OPJ) est par ailleurs significative. Outre les crimes et délits flagrants (pour des examens techniques ou scientifiques, constatations, ouverture des scellés (article 60 du code de procédure pénale), la remise d’informations informatiques (article 60‑1 du même code), et l’ouverture de scellés avec données informatiques pour faire des copies (Art 60‑3 du même code)), cela concernerait aussi l’enquête préliminaire (pour des opérations de prélèvements externes (article 76‑2 du même code), prise d’empreintes digitales, palmaires ou de photographies nécessaires à l’alimentation et à la consultation des fichiers de police selon les règles propres à chacun de ces fichiers. (55‑1 du même code), constatations ou à des examens techniques ou scientifiques (77‑1 du même code) et réquisitions informatiques (77‑1‑1 du même code), etc.

Il faut en outre noter qu’outre la diminution des garanties pour les administré.e.s, de telles opérations effectuées par des personnels avec une formation moins adaptée impliquerait aussi mécaniquement des procédures fragilisées (car faites de manière non conforme), qui seront plus contestées et plus annulées. Cette réforme pourrait ainsi avoir des effets immédiats optiques, mais mener à beaucoup de procédures annulées par la suite...

Source : Amendement sur le site de l'Assemblée nationale

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