L'amendement n° 6442 de Mme Le Feur à l'article 62 du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (première lecture).
REJETÉRésultat du vote
Les députés ont rejeté le 16 avril 2021 l'amendement n° 6442 de Mme Le Feur à l'article 62 du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (première lecture).
Au total, 93 députés ont pris part au vote : 70 % ont voté contre, 26 % ont voté en faveur, et 4 % se sont abstenus.
La position des groupes
Les votes des députés et des groupes
Exposé des motifs de l'amendement
L'objectif d'un amendement est de modifier ou d'ajouter une mesure d'un projet ou d'une proposition de loi. Le ou les députés qui rédigent l'amendement écrivent également un exposé des motifs.
Cet amendement introduit une redevance pour pollution diffuse liée à l'utilisation d'engrais azotés, fléchée vers les agences de l'eau elles-mêmes en charge de programmes de subventions de la transition agricole et alimentaire.
Les engrais azotés sont sources de pollutions de l'air (42% des émissions agricoles sont des émissions de protoxyde d'azote, liées à l'utilisation d'engrais azotés de synthèse) et aquatiques (pollution en nitrate de la ressource en eau) avec à la clef des risques sanitaires (pollutions de l’air aux particules fines liée à l’épandage des engrais et eutrophisation entrainant potentiellement des échouages d’algues dont la décomposition dégage du sulfure d’hydrogène et des blooms phytoplanctoniques toxiques susceptibles de contaminer les coquillages). Par ailleurs, en augmentant la concentration en azote des cultures, ces dernières attirent davantage les ravageurs, induisant une utilisation accrue de pesticides. Les engrais induisent également de fortes concentrations d'ammoniac, nocives pour l'environnement et la santé. Leur utilisation entraîne également une dépendance aux importations : 60 % des engrais utilisés en France, et la quasi totalité des matières premières nécessaires à leur fabrication sont importés. La France est aujourd’hui le premier consommateur d’engrais de synthèse en Europe.
Alors que la première SNBC requérait une réduction de 30 kg d’engrais synthétiques par hectare sur les terres agricoles entre 2010 et 2035, la consommation totale française a augmenté entre 2010 et 20181 en dépit d’une baisse de la surface agricole utile et malgré l’existence de plusieurs mesures visant à la réduire (réglementation nitrates, TVA réduite sur les engrais bio, feuille de route économie circulaire, etc.). La quantité d’azote apportée par hectare est passée de 81,6 kg à 86,9 kg entre 2007 et 2018.
Il est donc important d'inciter fiscalement un changement de pratique, en intégrant le coût des externalités négatives de l'utilisation de ces engrais dans leur prix. Selon la Direction Générale du Trésor, « en accroissant le prix relatif des engrais, la taxe serait susceptible d’orienter les comportements vers des pratiques économes en intrant et donc moins polluantes. » La mise en place d’une redevance sur le recours aux engrais azotés de synthèse en complément d’une politique de soutien au développement de l’agriculture biologique a montré des résultats significatifs sur la réduction des engrais chimiques en Autriche.
Pour autant, il ne semble pas économiquement viable de faire peser une nouvelle contrainte sur la profession agricole, d'ores-et-déjà en difficulté. C'est pourquoi les recettes sont fléchées vers les agences de l'eau afin de les allouer à la subvention de mesures dont l’objectif est d’engager de manière durable la totalité de l’exploitation agricole vers des pratiques favorables à la qualité de l’eau.
En tenant compte du modèle MAGALI sur la période 2013-2018, la redevance pourrait correspondre au montant des externalités comptabilisées à hauteur de 50 % dans un premier temps, soit 275 euros par tonne d’engrais synthétique (ou 0,27 centimes par kilo). Avec une consommation de 2 248 277 tonnes (données 2017), la recette annuelle moyenne serait d’environ 618 millions d’euros.
Source : Amendement sur le site de l'Assemblée nationale