L'amendement n° 112 de Mme Rubin après l'article premier du projet de loi portant création d'une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés (première lecture).
REJETÉRésultat du vote
Les députés ont rejeté le 08 avril 2019 l'amendement n° 112 de Mme Rubin après l'article premier du projet de loi portant création d'une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés (première lecture).
Au total, 57 députés ont pris part au vote : 81 % ont voté contre, 18 % ont voté en faveur, et 2 % se sont abstenus.
Infos
Date | 08 avril 2019 | |
Type de vote | Amendement | |
Dossier | Taxe sur les services numériques et impôt sur les sociétés (taxe GAFA) |
La position des groupes
Les votes des députés et des groupes
Exposé des motifs de l'amendement
L'objectif d'un amendement est de modifier ou d'ajouter une mesure d'un projet ou d'une proposition de loi. Le ou les députés qui rédigent l'amendement écrivent également un exposé des motifs.
Cet amendement a pour objectif de redéfinir des critères pertinents afin d’établir une liste des États et territoires non coopératifs correspondant aux pratiques fiscales réelles des États. Il s’appuie notamment sur les recommandations de l’ONG Oxfam en la matière.
En effet, nous pensons que la « taxe GAFA » est une solution minimaliste qui ne résoudra en rien le problème. En outre, elle ne s’attaque qu’aux entreprises du numérique, alors même que la plupart des multinationales pratiquent l’évasion fiscale, à l’image de McDonald’s.
Par ailleurs, la simple transposition de la liste européenne de paradis fiscaux, mise en place par la loi de lutte contre la fraude, ne s’attaquera pas aux pratiques d’évasion fiscale puisque cette liste est presque vide. Elle a certes été mise à jour le mois dernier, passant de 5 à 15 États. Mais elle reste largement insuffisante. En plus de n’inclure aucun État européen, elle ne comprend pas non plus les paradis fiscaux notoires (le Panama est par exemple absent de la liste…) mais se contente de territoires (Guam, le Vanuatu, la Barbade, etc.) n’étant pas au cœur de l’évasion fiscale internationale.
Nous proposons à l’inverse une solution ambitieuse. Associé aux sanctions pertinentes prévues par le droit français, le dispositif que nous proposons constituerait une avancée majeure dans la lutte contre les pratiques de fraude et d’évasion fiscale.
Les critères proposés reposent sur la transparence fiscale, les normes BEPS et l’absence de mise en place d’un régime fiscal dommageable, conformément aux préconisations du Conseil de l’Union européenne et de l’OCDE. Cela permettra d’intégrer à cette liste française un certain nombre d’États que l’on devrait considérer comme des paradis fiscaux, mais qui actuellement ne figurent pas dans la liste. Nous pouvons par exemple citer les îles Caïmans, pays dans lequel les entreprises ne paient aucun impôt sur leurs bénéfices, mais aussi Hong-Kong, où les entreprises domiciliées paient certes des impôts, mais uniquement sur les bénéfices qu’elles ont réalisé au sein du pays. Adopter l’amendement que nous proposons permettra d’intégrer ces pays à la liste française des paradis fiscaux. En effet, qui pourrait contester le fait que ce sont bel et bien des paradis fiscaux ?
Mais ces pratiques existent également au sein même de l’Union Européenne : en 2014, Apple a payé 0,005 % d’impôts sur ses bénéfices du fait de sa domiciliation en Irlande. De même, le scandale des « Luxleaks » a révélé que 340 entreprises ont passé des accords fiscaux secrets avec le Luxembourg pour payer un taux d’imposition dérisoire. Grâce à l’adoption de l’un de nos amendements lors de la discussion du projet de loi de lutte contre la fraude, les pays de l’Union Européenne ne seront plus automatiquement exclus de la liste des paradis fiscaux. Si nous saluons cette avancée, cela ne suffit pas : il faudrait maintenant adopter les critères que nous proposons pour que ces paradis fiscaux au sein même de l’Union Européenne se retrouvent réellement sur cette liste. C’est ce que permettra cette réécriture de l’article 238‑0 A du code général des impôts que nous proposons.
Élargir cette liste des paradis fiscaux aura des conséquences bien précises. Selon Oxfam, les entreprises du CAC 40 possèdent actuellement 1 450 filiales dans les paradis fiscaux. Or, seulement 10 d’entre elles se trouvent dans l’un des paradis fiscaux identifiés comme tels dans les listes françaises et européennes. Ces entreprises du CAC 40 peuvent donc continuer leur évasion fiscale massive en toute impunité. A l’inverse, en élargissant cette liste de paradis fiscaux, l’ensemble de ces 1 450 filiales pourraient être sanctionnées : les entreprises du CAC 40 cesseront alors ces pratiques fiscales dommageables pour nos finances publiques.
En outre, cet amendement renforce le poids du Parlement, en lui permettant de débattre sur l’application effective des critères et sur cette liste, sur la base d’un rapport remis par le Gouvernement. C’est le Parlement qui aura alors le dernier mot concernant cette liste, en décidant de la valider, ou non.
Enfin, l’amendement prévoit une clause de sauvegarde au bénéfice des pays reconnus comme les moins avancés par l’Organisation des Nations Unies et qui ne disposent pas d’un centre financier. Il s’agit en effet de ne pas pénaliser les États les plus fragiles socialement et économiquement dans notre combat contre la grande délinquance financière.
Source : Amendement sur le site de l'Assemblée nationale