L'amendement n° 484 de Mme Pires Beaune après l'article 2 du projet de loi de finances pour 2020 (première lecture).
REJETÉRésultat du vote
Les députés ont rejeté le 16 octobre 2019 l'amendement n° 484 de Mme Pires Beaune après l'article 2 du projet de loi de finances pour 2020 (première lecture).
Au total, 64 députés ont pris part au vote : 56 % ont voté contre, 19 % ont voté en faveur, et 25 % se sont abstenus.
La position des groupes
Les votes des députés et des groupes
Exposé des motifs de l'amendement
L'objectif d'un amendement est de modifier ou d'ajouter une mesure d'un projet ou d'une proposition de loi. Le ou les députés qui rédigent l'amendement écrivent également un exposé des motifs.
Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés propose de transformer la réduction d’impôt au titre des frais de dépendance et d’hébergement pour les personnes dépendantes accueillies en établissement spécialisé en un crédit d’impôt.
L’article 199 quindecies du code général des impôts accorde une réduction d’impôt au titre des frais de dépendance et d’hébergement pour les personnes dépendantes accueillies en établissement spécialisé.
Au titre de l’imposition 2018, le coût de cette dépense fiscale est estimé par la direction de la législation fiscale à 328 M€ au profit de 229 000 foyers fiscaux bénéficiaires.
La réduction d’impôt s’élève à 25 % des dépenses engagées au titre de la dépense et de l’hébergement des seules personnes dépendantes hébergées dans un établissement spécialisé, à l’exclusion des dépenses de soins, qui sont couvertes par la Sécurité sociale. Ces dépenses sont plafonnées à 10 000 € par an, par bénéficiaire.
Cette réduction d’impôt est cumulable avec le bénéfice d’autres aides, et notamment l’allocation personnalisée en établissement (APA), qui couvre une partie des dépenses de dépendance, l’aide sociale à l’hébergement en établissement (ASH), les aides personnalisées au logement (APL) ou l’allocation de logement sociale (ALS), qui prennent en charge tout ou partie des frais associés à l’hébergement des personnes.
Malgré ces différents dispositifs, le reste à charge des personnes dépendantes reste très important. Le rapport Libault relevait ainsi que « selon l’enquête Care de la DREES, le reste à charge après aides diverses atteint 1 850 € par mois (niveau médian avant aide sociale à l’hébergement) et excède les ressources courantes de la personne âgée dans 75 % des cas ». La même enquête relevait à la fin de l’année 2018 que « 11 % [des résidents déclaraient] devoir mobiliser leur entourage pour payer une partie de ces frais » (Drees, Études et résultats n° 1095).
Le rapport Libault relevait qu’à domicile, le reste à charge restait « maîtrisé » et s’établissait en moyenne à 60 € par mois.
Si la réduction d’impôt instituée par l’article 199 quindecies permet d’apporter une aide nécessaire à certains ménages, ce dispositif reste perfectible.
Ainsi, si le montant maximal théorique de la réduction d’impôt s’élève à 25 % x 10 000 € = 2 500 €, le montant médian par bénéficiaire s’élève à 1 240 €, et le montant moyen, à 1 437 €, principalement du fait de la nature non restituable du dispositif.
Une évaluation réalisée à l’occasion du rapport Guillaume (2011) relevait que « cette dépense présente deux inconvénients : [1] elle est largement anti-redistributive. Ainsi, la dépense bénéficie exclusivement aux quatre déciles supérieurs ; [2] elle est mal ciblée. D’une part, les personnes les plus âgées ont des revenus plus faibles et sont donc sous-représentées parmi les bénéficiaires de la dépense. D’autre part, le plafonnement de la dépense affecte davantage les foyers fiscaux les plus dépendants, qui font face aux dépenses les plus élevées ».
De même, une étude de la Drees (2016) relevait également que du fait de sa nature, cette réduction d’impôt bénéficiait « aux résidents aux ressources les plus élevées ». Elle précisait que « du fait de leurs ressources plus élevées, les personnes bénéficiant de réductions d’impôt ne bénéficient ni de l’ASH ni des aides au logement, ou pour des montants très faibles ». Au total, « le montant des restes à charges est plus élevé pour les bénéficiaires de réductions d’impôts, mais cela représente en moyenne une part moins importante de leurs ressources (90 % contre 150 %) ».
La même étude précisait également que « chaque mois, en moyenne, les résidents ne bénéficiant pas de réduction d’impôt touchent 297 € d’APA, 127 € d’aide au logement et 301 € d’ASH. Leur reste à charge s’élève alors à 1 363 euros pour des ressources atteignant en moyenne 916 € par mois ».
Selon les éléments transmis par la Drees, sur la base de données produites en 2017, ce constat reste largement valable.
Cet amendement propose dès lors d’étendre le dispositif aux publics les plus fragiles, dans un objectif de justice sociale et de lutte contre les inégalités, en transformant la réduction d’impôt au titre des frais de dépendance et d’hébergement pour les personnes dépendantes accueillies en établissement spécialisé en un crédit d’impôt.
D’après la direction de la législation fiscale, le coût d’une telle transformation ne serait pas neutre pour les finances publiques.
L’administration fiscale a ainsi précisé qu’au titre de l’imposition des revenus de 2018, « le coût budgétaire de la mesure consistant à transformer la RI au titre des frais de dépendance en crédit d’impôt est estimé à 675 M€ environ, au profit d’environ 371 000 foyers fiscaux qui bénéficieraient d’un allègement moyen de leur cotisation d’IR de 1 826 €. Parmi eux, environ 214 000 nouveaux bénéficiaires participeraient au coût de la mesure à hauteur d’environ 460 M€. Au total, la transformation de la RI en CI aboutirait à ce que le montant de la dépense fiscale atteigne environ 1 Md€ ». Cette transformation bénéficierait principalement aux personnes non imposables, dont le RFR est inférieur à 15 000 € environ, d’après les estimations de la DLF, et aux personnes dont l’impôt est inférieur au montant imputable.
Pour assurer la neutralité budgétaire d’une telle mesure, il est proposé de restreindre le bénéfice du crédit d’impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile, pour les dépenses de dépendance uniquement, aux ménages les plus favorisés, le reste à charge étant, pour ces personnes, d’un montant limité.
Le seuil de RFR proposé est fixé à 42 000 euros. Ce seuil a été déterminé en fonction des données transmises par la direction de la législation fiscale et pourra être revu à la hausse, afin d’assurer une parfaite neutralité de la mesure.
Coût de la transformation de la RI en CI | Financement de la mesure | ||
Au titre des nouveaux bénéficiaires | 450 M€ | Recentre CI services à la personne | 710 M€ |
Au titre des foyers bénéficiant déjà de la RI | 217 M€ | ||
Total | 677 M€ | Total | 710 M€ |
Source : Amendement sur le site de l'Assemblée nationale