Obliger l'industrie du textile à communiquer sur le respect des critères sociaux
REJETÉRésultat du vote
Les députés ont rejeté le 30 mars 2021 le sous-amendement n° 7275 de M. Potier à l'amendement n° 7185 de Mme Sarles à l'article premier du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (première lecture).
Au total, 218 députés ont pris part au vote : 47 % ont voté contre, 47 % ont voté en faveur, et 6 % se sont abstenus.
La position des groupes
Mieux comprendre le vote
Cet amendement vise à rendre obliger l'industrie du textile à communiquer sur le respect des critères sociaux. Il a été déposé par les députés du groupe Socialistes et apparentés et a été discuté dans le cadre du projet de loi Lutte contre le dérèglement climatique.
L'amendement des députés socialistes, porté par le député Dominique Potier, vise à compléter le dispositif de transparence porté par le gouvernement. Le dispositif du gouvernement vise à expérimenter un un score “carbone” pour certains produits. Si l'expérimentation est concluante, alors ce score pourrait devenir obligatoire.
Dans leur amendement, les députés socialistes souhaitent obliger l'industrie du textile à communiquer, notamment sur les étiquettes, des informations concernant le respect des normes sociales.
Les députés socialistes rappellent que les questions “de la dignité salariale et du droit syndical demeurent absentes des politiques" des entreprises du textile. En séance, le député Dominique Potier (SOC) a regretté que, “exception faite de l’agroalimentaire et de l’industrie extractive, c’est dans l’industrie textile que le tribut humain est le plus lourd du fait de l’esclavage moderne et du travail des enfants”.
Le député Christophe Naegelen (UDI) souligne les impacts pour l'industrie en France : “si les entreprises textiles des Vosges ont fermé et si nous avons perdu de l’emploi, c’est principalement à cause du système des préférences généralisées (SPG), qui permet d’importer des textiles de pays comme le Bangladesh ou le Pakistan, qui font travailler des enfants”.
Thierry Benoit (UDI) a également indiqué que cette concurrence “a détruit nos emplois en Europe, et plus particulièrement en France. Une prise de conscience est donc nécessaire”.
La ministre Barbara Pompilli, ancienne députée LaREM, rappelle qu'il y a déjà une expérimentation en cours pour le secteur du textile, qui “prend également en compte l'aspect social”. La ministre souhaite attendre la fin de l'expérimentation avant de légiférer : “si les expérimentations nous montrent qu’il est possible de faire à la fois un affichage environnemental et un affichage social, on fera les deux.”
À noter que 102 députés ont voté en faveur de cette mesure, et 102 députés s'y sont opposés. L'amendement socialiste a donc été rejeté.
Les votes des députés et des groupes
Exposé des motifs de l'amendement
L'objectif d'un amendement est de modifier ou d'ajouter une mesure d'un projet ou d'une proposition de loi. Le ou les députés qui rédigent l'amendement écrivent également un exposé des motifs.
Ce sous-amendement du Groupe Socialistes et apparentés vise à préciser que le dispositif rendu obligatoire pour le secteur du textile d'habillement doit concerner à la fois des critères environnementaux et sociaux.
Il s'agit, à travers ce sous-amendement, de construire sur les avancées obtenues grâce à notre groupe dans le cadre de la loi AGEC.
Selon l’Institut français de la mode (IFM), en 2019, seules 8 % des marques de mode avaient placé le développement durable au cœur de leur stratégie. Selon cette même étude de l’IFM, dévoilée le 17 novembre dernier, 81 % des consommateurs déclarent ne pas avoir accès aux informations sur la durabilité des produits de mode.
Or, la mode est l’une des industries les plus polluantes. Les émissions de gaz à effet de serre du secteur sont notamment liées à la production des textiles. En effet, la fabrication de coton, de matières synthétiques artificielles et naturelles produit à elle seule 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre. Au-delà de la question des émissions, rappelons qu’un rapport des Nations unies estime qu’il faut 7 500 litres d’eau pour fabriquer un seul jean.
À la suite de l’effondrement du Rana Plaza, une usine textile au Bangladesh le 24 avril 2013 qui a entrainé la mort de 1 135 personnes, le grand public a également pris conscience des conditions sociales scandaleuses dans lesquelles peuvent être fabriqués leurs vêtements. Ces atteintes aux droits humains découlent de chaines de valeurs mondialisées très complexes dans le secteur du textile, où un vêtement peut avoir parcouru des dizaines de milliers de kilomètres et avoir fait intervenir des dizaines de personnes, entrainant de fait une impunité des entreprises donneuses d’ordres. Le drame du Rana Plaza comme la crise du Covid montrent que ce sont les maillons de la chaine les plus faibles qui supportent l’ensemble du risque. Dans le cas de la pandémie et de son confinement corolaire, certaines entreprises transnationales ont décidé de ne pas honorer des commandes, certaines déjà produites, en usant de clauses comme celle de force majeure.
Si des enjeux comme la santé et la sécurité au travail tendent à être de mieux en mieux pris en compte depuis les années 1990, les questions systémiques de la dignité salariale et du droit syndical demeurent absentes des politiques de RSE des entreprises, car elles sont au cœur du modèle économique de la filière textile. La loi sur le devoir de vigilance adoptée en mars 2017 permet d’établir une brèche dans l’impunité des multinationales car elle lie la responsabilité juridique des sociétés mères et la responsabilité économique de leur activité. Cette loi concerne les entreprises dont le nombre de salariés en leur sein et dans leurs filiales directes et indirectes est supérieur à 5 000 en France ou 10 000 dans le monde.
La logique d’un affichage social et environnemental est tout autre car elle permet d’apporter de la transparence aux consommateurs qui demeurent très peu informés sur la réalité des conditions de fabrication tant d’un point de vue environnemental que social ; ce dernier volet n’étant à notre sens pas en option.
Ce sous-amendement s'inscrit dans le cadre de notre objectif « + de justice - de carbone ».
Source : Amendement sur le site de l'Assemblée nationale